Le Tucunaré, vous avez sans doute déjà entendu ce nom ? Il y a fort à parier que oui, sa renommée dépasse de loin son territoire qui est l’Amérique du sud. Le Tucunaré ou Peacock bass répand une réputation méritée de bagarreur hors pair. Un poisson de choix pour qui aspire à du beau combat exotique aux leurres ! En dehors de sa défense aussi imprévisible qu’explosive, le Peacock Bass séduit aussi de part son esthétique à couper le souffle ! Je n’hésite pas à le qualifier d’œuvre d’art naturelle. Chaque capture est comme la découverte d’une nouvelle toile de maître. Tucunaré signifie littéralement « ami des arbres ( “tucun” árvore e “aré” amigo ), dans le dialecte Tupi. Appelé évidemment ainsi pour son  habitude à vivre au milieu des souches et bois morts.

Tous aussi colorés les uns que les autres, c’est la plus grande espèce (cichla temensis) qui m’amène sur l’un de ses territoires de prédilection, le mythique Rio Negro au cœur du Brésil !

Le Rio Negro, fort de ses 2250km de long, est l’un des principaux affluent de l’Amazone. Ses eaux sont noires comme son nom l’indique et abrite de nombreux, très nombreux méandres et îles. Un territoire de choix pour nos chers carnassiers. C’est aux alentours de Barcelos, dans l’état d’Amazonas, que je vais vivre pleinement ma rencontre avec ce légendaire combattant. Plus particulièrement dans la charmante pousada (lodge) de Kalua qui est située directement sur les berges du fleuve.

Barcelos est une charmante petite ville, ou plutôt un gros village. Un lieu atypique qui mêle habilement ruralité et petits commerces. Un petit îlot humain perdu dans l’immensité de la forêt Amazonienne en quelque sorte.

Pour se rendre à Barcelos, c’est bien simple, soit vous prenez un bateau, soit un petit vol domestique depuis Manaus. Il n’y a pas de route qui relie cet endroit aux grandes villes. Depuis Paris, mon trajet se déroule comme suit ;  vol de Paris CDG  à Sao Paulo GRU, vol de Sao Paulo GRU à Manaus MAO, et pour finir, un vol de Manaus MAO jusqu’à Barcelos. Il est actuellement difficile (si ce n’est impossible) de faire plus direct pour s’y rendre.

Première chose qui me frappe quand j’arrive au terme de mon « long » voyage, l’immensité du Rio Negro. Sur des centaines et des centaines de kilomètres, il n’y a que des méandres, des îles, des plages de sable blanc et de la forêt. L’activité humaine une fois éloignée de Manaus est minime. En voyant ces étendues verdoyantes et prometteuses, je comprends désormais pourquoi il s’agit d’un lieu si mythique.

Pas le temps de rêvasser, il faut penser aux poissons !

Concernant la pêche justement, les voyages réservent toujours des surprises ! Soit c’est trop sec, soit il fait trop chaud, soit l’eau est trop mouillée etc… En l’occurrence, pour cette semaine, le niveau qui a apparemment un peu monté, plombe l’activité des poissons qui ne bougent absolument plus à cause (théoriquement) d’un apport d’eau plus fraîche. Il faut savoir que le bassin du Rio Negro capte toutes les précipitations à des centaines de kilomètres à la ronde, et cela peut se ressentir rapidement sur l’activité des poissons.

Pas de bol, néanmoins, nous sommes dans l’un des endroits les plus poissonneux au monde, donc il faut garder de vue que le potentiel est énorme, et qu’avec un peu d’implication et de remise en question, ça paie ! Et malgré les conditions difficiles auxquelles j’ai été confrontées, je dois dire que la pêche fût bonne. Et oui, pêche difficile ne veut pas dire forcément mauvaise.

Le tucunaré est connu pour ses attaques de surface légendaires, malheureusement les poissons étant calés pour de bon, je n’aurais pas vraiment le plaisir de goûter à ces explosions. Au final, la pêche de surface s’est révélée bien trop difficile pour que j’y perde mon temps. Ce fameux peacock bass m’a montré une facette de lui intelligente et espiègle, refusant systématiquement les gros leurres, les cuillères, les spinnerbaits…  Bref, refus catégorique de presque tout !

En temps normal le X-Rap Pop 07 et le Skitter V 10 sont d’excellentes références pour traquer ce carnassier, mais les conditions étant ce qu’elles sont, c’est un Rapala BX Swimmer coloris SHT qui m’aura offert de splendides captures !

Ce leurre était également particulièrement performant sur les piranhas, je dois dire qu’ils ne l’ont pas épargné. Il va garder de nombreux stigmates de ses batailles passées.

Autre bon leurre dans des conditions difficiles le Twitchin mullet, une nage et une taille très intéressante pour des carnassiers boudeurs. Un incontournable qui permet de lever des poissons inactifs, ce sont les jigs ! Simples, discrets, efficaces. Il faut admettre qu’il s’agit DU leurre à peacock.

Pour combattre ce fameux tucunaré, inutile de déployer une surenchère matérielle digne des productions « Hollywoodiennes » ! J’ai troqué l’équipement lourd que j’utilise en Guyane pour un « fleuret » plus modeste : 10 / 40 grammes pour 2,10m. Il est tout de même de bon ton de disposer d’une canne quelque peu supérieure en terme de puissance, au cas ou. Le moulinet quant à lui devra être adapté à la canne, oubliez le modèle 4000 ou 5000 et préférez un modèle 2500 voire 3000. Complétez le tout avec un fluorocarbone en 55/100 en guise de bas de ligne, et c’est opérationnel.

L’amazonie Brésilienne, plus particulièrement le Rio Negro, est un endroit riche en faune, chaque jour apporte son lot de dauphins d’eau douce, de caïmans, d’oiseaux tels que le Ara ou encore le Toucan. Un spectacle splendide s’offre au pêcheur avide d’aventure.

En parlant des caïmans, ici il ne s’agit pas de petits spécimens uniquement ! Non la plupart du temps, ces survivants des âges mesurent entre de 2 et 5 m ! Côtoyer tranquillement un caïman de 3 ou 4 mètre n’est pas rare. Avouez que c’est tout de même merveilleux de pouvoir observer de tel animaux dans leur habitat naturel. Si vous avez un peu de chance (ou beaucoup plutôt), il n’est pas exclu que vous posiez le regard sur le légendaire jaguar… Ça en dit long sur la destination.

La diversité des espèces aquatiques est un point fort de cet endroit, l’arrowana, le traira(espèce ressemblant à de petit aïmara), le piranha noir, le jacunda, et j’en passe peuplent ces eaux !

Plusieurs espèces de tucunarés vivent en ces lieux aussi bien évidemment. Le temensis (le sujet de ce voyage), mais aussi le monoculus dit popoca, ainsi que l’orinocensis appelé borboleta.

Si le cœur vous en dit, de gros poissons chats n’attendent que votre bout de piranha ! Autant vous le dire de suite, accrochez vos ceintures avec ces poissons ! Un filhote (jeune piraiba), ou encore un pirara (poisson chat à queue rouge) auront vite fait de vous filer un mal de dos tellement ils sont puissants. Je n’ai pas eu la chance d’en capturer un, mais pour avoir vu comment se défend un filothe, je dois dire que c’est impressionnant ! Bref entre toutes ces espèces, il y a de quoi faire ! Plusieurs séjours seraient nécessaire pour prendre à peine conscience du potentiel de ces eaux.

Concernant les batailles avec nos diables colorés, je dois dire que je n’ai pas été déçu ! Impossible de comparer la puissance brutale d’un aïmara et les départs fulgurants du peacock. Le tucunaré est un combattant subtil ! Il cherche immédiatement à atteindre des obstacles, comme on pourrait s’y attendre, mais évidemment rien n’est aussi simple ! Même une fois extrait des branches ou souches, ce carnassier sait prendre le pêcheur au dépourvu. Au moment où l’on pense avoir perdu le poisson, on se rend compte que celui ci fonce vers le bateau, imposant par la même occasion un mou consternant dans la ligne. Il faut alors logiquement reprendre le contact au plus vite, mais c’est sans compter un énième changement de direction du poisson à vive allure, qui ne manquera pas de mettre le matériel à rude épreuve.

Voir un gros tucunaré crever la surface pour secouer rageusement sa gueule béante, c’est intense ! Et attention les yeux car quand les leurres fusent, ce n’est pas à moitié ! Je ne vais pas oublier de parler de son endurance, ce poisson peut très bien se laisser ramener sans bataille au bateau, puis enchaîner encore et encore des rushes sans que le pêcheur ne puisse contrôler la bête, et ce alors que la partie semblait initialement gagnée ! Un carnassier réellement imprévisible qui m’a séduit à bien des égards.

Les gros poissons sont très présents sur la zone, les spécimens de 5 à 7 kg ne sont pas rares ! Les petits tucunarés quant à eux sont légion ! Les spots sont nombreux et variés. Entre le fleuve principal, ses petits bras, canaux et lacs, le terrain de jeu est gigantesque. Bref, une semaine, c’est clairement pas suffisant pour prendre toute la mesure du potentiel de la région. On ne va pas tourner autour du pot, il s’agit vraiment d’une belle destination qui offre du rêve !

All inclusive in the Amazon rainforest

Autre point fort de ce voyage, le budget demandé est un cran en dessous de ce qui se propose très régulièrement ! Les prestations sont pourtant largement à la hauteur du prix. L’hébergement (Kalua lodge) est au top, chambre climatisée avec frigo et boissons à volonté. Les repas sont copieux et très variés, il est possible aussi bien de déguster un plat de spaghettis bolognaise, qu’un caïman grillé au feu de bois !

Les guides sont très compétents et n’hésiteront pas à faire du chemin pour vous emmener sur des spots très poissonneux. Et durant la partie de pêche, une glacière avec boissons fraîches est à disposition durant toute la journée. Difficile de demander plus. Ce séjour a été organisé par Alain Cavard (world predator fishing), il était présent sur place, et il s’est plié en 4 pour me faire passer un voyage inoubliable !

Objectif atteint, cette rencontre avec le mythique Cichla Temensis est inoubliable !

 

Stéphane Kieffer