Depuis quelques années, avec l’avènement des pêches en bateau et Float-Tube, nombreux sont les pêcheurs à s’être orientés sur les grands milieux que sont les fleuves, les lacs et autres cours d’eau à grands gabarits. L’immensité des lieux, la profondeur et la diversité des postes donnent une impression d’inépuisable avec la sensation de l’omniprésence de grands poissons. Au point que nous en sommes venus à oublier nos petites rivières qui serpentent nos vallées. Rarement très larges (10 ou 15m au maximum) et peu profondes, pour le pêcheur de carnassiers, elles donnent une impression de vide où seuls des vairons et poissons blancs peuvent subsister. Détrompez-vous !

Bien souvent, par la non fréquentation des lieux, les berges sont redevenues sauvages et inaccessibles, favorisant ainsi la reproduction piscicole et la tranquillité des lieux. Si les radiers peu profonds se succèdent, on y retrouve également de nombreuses fosses entrecoupées ici et là de nénuphars. De quoi maintenir aussi bien des populations de carnassiers que de poissons-blancs !

Si les perches et les chevesnes semblent être les deux espèces prédominantes, le brochet reste l’espèce reine dans ces eaux. Les faibles profondeurs et la nature sauvage de ces rivières facilitent encore la reproduction. Bien que le biotope en lui-même ne puisse pas accueillir des quantités importantes de gros carnassiers, il a l’avantage de produire de nombreux poissons avec quelques spécimens.

Mais attention, je n’écris pas dans ces quelques lignes qu’il suffit de lancer un leurre pour décider nos amis carnassiers ; bien au contraire ! Par l’aspect même des lieux, l’inaccessibilité, la profondeur et la non fréquentation, le pêcheur se doit d’exercer des approches discrètes et précises pour ne pas effrayer les poissons postés. Souvent calés dans des faibles profondeurs, une approche hasardeuse et/ou trop rapide feront fuir les carnassiers en place. Tout doit être préparé et construit pour pouvoir aborder sereinement ces milieux. Pour cela reprenons un à un les points clés à ne pas oublier…

Tout d’abord, le pêcheur doit savoir voyager léger ! Une belle journée de pêche se résume bien souvent à battre beaucoup de terrains, les rivières n’étant pas très larges, il est fréquent de devoir arpenter 6 à 8km de berges. Entre haies, clôtures et zones encombrées à franchir, il est important de ne pas se surcharger. Pour cela l’utilisation d’une seule canne est recommandée, en général une puissance M est suffisante puisque l’idée n’est pas spécialement d’utiliser des gros leurres. En termes de moulinets, la légèreté prime une nouvelle fois. Des tailles 1000 à 2500 sont entièrement suffisantes puisque la contenance de fil ne nous intéresse pas (on lance rarement à plus de 20m). Garnis d’une tresse entre 12 et 15/100 et d’un fluoro de 24 à 28/100 selon l’espèce visée (terminaison en 60/100 minimum pour le brochet) et vous êtes parés à toutes les éventualités.

Au niveau des leurres, les profondeurs sont rarement très importantes (max 1,5m ou parfois plus dans les fosses) avec des lancers à courte distance sur des postes confinés. L’utilisation de gros leurres est selon moi inadaptée à moins de bien réussir à freiner son impact sur l’eau. Bien souvent, on lance sur le poisson avec des attaques réflexes sur les premiers mètres de récupération. L’effrayer à l’impact ne permettra qu’en de rares occasions de déclencher l’attaque.

Pour les pêches du brochet, je privilégie :

– Le Spinnerbait pour le côté 4×4 dans ses eaux encombrées (branches, herbiers). Cela permet de pêcher rapidement tout en effectuant des lancers au cœur des postes où les poissons se trouvent. Une pêche simple en linéaire, mais qui reste l’une des plus efficaces.

– Des poissons nageurs calibrés entre 8 et 15cm (X-Rap 10, Clackin’minnow, BX-Swimmer…) qui permettent des animations sur des lancers courts. Ils permettent de pêcher haut et de faire des pauses plus ou moins longues sur zone.

– Au niveau des leurres souples, j’utilise principalement des montages Texan pour pouvoir pêcher les encombres. Les hameçons Heavy Duty Bladed Swimbait VMC sont parfaits pour cette pratique. Vous couplez ainsi la vibration d’un Shad à une palette qui va augmenter le volume d’eau déplacé tout en rajoutant un visuel.

Pour les autres pêches (chevesnes et perches par exemple), des petits Cranckbaits (Ultra Light Cranck Rapala par exemple), Jerk ou Minnow (Ultra Light Minnow, MaxRap 05 et 07, X-Rap 04 et 06 Rapala, …) permettent également de pêcher rapidement et efficacement dans les couloirs d’herbiers et dans les fosses. Cela dit, je ne peux pas clore le chapitre leurre sans un clin d’œil aux cuillers. Elles restent des indémodables et sont parfaitement adaptées à ces pêches peu profondes, que cela soit pour les pêches des percheschevesnes voire des brochets.

Le choix du leurre en lui-même reste très subjectif puisqu’il est à chacun de choisir un modèle sur lequel il a confiance. La réelle importance est de faire un choix adapté aux postes pêchés puisqu’ensuite, dans 80% des situations, le poisson attaque de manière réflexe. C’est là qu’intervient réellement l’approche mais également la précision du pêcheur. En effet les postes sont souvent restreints et encombrés. Le pêcheur doit alors savoir jongler entre la végétation rivulaire et sa discrétion pour ne pas se faire repérer.

Un des premiers réflexes est alors d’examiner avant d’avancer. Les poissons sont souvent collés à la berge et l’observation permet de rapidement localiser les éventuels poissons postés. La règle étant de toujours pêcher à ses pieds avant d’avancer pour pêcher plus « largement » le poste. Nombreux sont les poissons capturés ainsi.

Le second réflexe est de ne pas se précipiter à lancer. Un mauvais geste et le pêcheur peut être repéré par l’accroc d’une branche ou d’un herbier. Avec pratique, on arrive facilement à lire les couloirs et les trajectoires sur lesquels le leurre passera facilement avec des probabilités fortes de se faire intercepter. En général, le poisson attaque dans les premiers mètres. Quand il est possible, il ne faut pas hésiter à lancer quelques mètres derrière l’éventuel tenu. Cela permet d’amener son leurre progressivement sur la zone « chaude ».

Une dernière petite astuce : parfois, le pêcheur n’a pas le choix que de se frayer un chemin parmi la végétation et fait inévitablement fuir un brochet calé en bordure. Il est encore possible de le capturer ! Cela ne marche pas à tous les coups mais bien souvent je m’accroupit et attends avant de lancer. Un brochet qui fuit se repositionne plus loin en suspension. Pour l’avoir observé par eau claire, il reste immobile en attente. L’idée est alors de patienter plusieurs minutes pour ensuite le tenter sans qu’il fasse un rapprochement entre le bruit et le leurre. Régulièrement, les poissons fuyards sont retouchés ainsi.

Vous l’aurez compris, les petites rivières recèlent de populations insoupçonnées de carnassiers. Toutefois ils se méritent et ils demandent dextérité et patience de la part des pêcheurs. Et bien que les poissons ne soient pas des records (en général les brochets tournent entre 55 et 70cm), la multiplication des touches compense les efforts avec parfois des poissons qui sortent du lot. Cela dit, ces derniers sont plus rares et dès 80cm vous tenez un beau poisson. Avec persévérance et pratique, les postes seront ensuite connus et vous saurez exactement où lancer sans vous y tromper. Les poissons, même après un renouvellement (crue, prélèvement…) reprennent souvent les mêmes secteurs de la rivière avec la surprise – parfois – de retrouver plusieurs brochets dans un même trou. A vous de jouer !

Julien Himbert, Team Rapala