Fantastique mais impitoyable Amazonie ! Sans avoir la prétention de réellement connaître ce milieu, j’ai tout de même suffisamment fréquenté la forêt tropicale humide, pour savoir à minima de quoi elle est capable.

Ma première rencontre avec le terrible Hoplias aïmara remonte à pas mal d’années, et à chaque fois, c’est avec un immense plaisir que je pars sur ses traces.  C’est une évidence, le puissant aïmara est un carnassier redoutable ! Entre sa mâchoire surarmée à la force d’une presse hydraulique, son corps massif et musclé, et ses nageoires surdimensionnées, ce poisson est à même de s’attaquer aussi bien à un primate traversant la rivière, qu’à un petit caïman ayant commis l’imprudence de patauger sur le territoire du monstre.

Encore une fois, je décide de partir sur les traces de ce prédateur, histoire de faire craquer le carbone et de remplir mon esprit d’adrénaline pure. Mais ce coup-ci, tout ne va pas se passer comme prévu… Embarquement pour un vol de presque 8 heures direction la GUYANE, un département français entièrement recouvert de forêt tropicale humide.

La Guyane est un paradis pour les aventuriers, les passionnés de nature. C’est aussi le territoire des garimperos dit les garimps… Des chercheurs d’or venus faire fortune dans l’enfer vert. Véritable far west des temps modernes, la Guyane ne peut laisser indifférente. Soit on l’aime, soit on la déteste, il n’y a pas d’entre deux.

C’est avec Julien Rossignol que j’ai l’habitude de partir, un ami qui est guide professionnel en milieu amazonien. Aussi à l’aise avec les serpents, les plantes, ou encore les poissons, Julien est une mine d’informations qui ne cesse de m’étonner. Avec lui, le plaisir est toujours au RDV et chaque moment passé à ses côtés me fait apprendre toujours et encore de nouvelles choses sur ce beau territoire vert. Pour avoir eu plusieurs guides au fur et à mesure des années, je ne peux que vous recommander Julien. Une fois arrivé à Cayenne, Julien passe nous prendre et direction le barrage de petit Saut pour une nuit réparatrice. Le dégrad (mise à l’eau), c’est un peu THE-PLACE-TO-BE des aventuriers, ainsi que des chercheurs d’or qui partent direction Saint-Ellie, en quelque sorte le dernier bastion de la civilisation où il est possible de déguster une bière bien fraîche, un endroit où pêcheurs et orpailleurs sont amenés à se côtoyer avant de prendre deux directions différentes. Heureusement pour nous, passionnés de nature, le Sinnamary ne contient pas (ou peu) d’or, rendant l’exploitation inintéressante.

Le matin arrive, un lever de soleil magnifique s’impose à la nuit fraîche et humide. Un brésilien est présent au dégrad pour le travail, voyant le matériel de pêche il se montre curieux à son égard, il me demande « tucunaré ? » Aha visiblement il est pêcheur. Rapidement, la discussion s’engage à grand renfort de français, de portugais et d’un peu d’anglais, et je lui dis que c’est pour le Traíra (nom brésilien de l’aïmara !!). Après une discussion des plus intéressantes sur la forêt, les traíras, les açus du brésil etc, il se propose de m’aider à porter mes affaires jusqu’à la pirogue. Une rencontre fort sympathique qui restera encore gravée en moi très longtemps.

C’est parti pour une journée complète de pirogue ! Se succèdent des paysages magnifiques ponctués de rencontres exotiques. Aras, morphos, capucins seront nos compagnons durant le trajet. Fascinante Guyane… Franchissement des sauts, takari, puis saut dalles, saut stéphanie pour enfin arriver à deux roros ! C’est toute une expédition, rien que pour rejoindre takari c’est 80 km de pirogue !

Le franchissement des sauts, c’est quelque chose ! Soit dans le meilleur cas, on le passe directement sans décharger, soit il faut réaliser un portage. Autant dire tout simplement que dans le second cas, il faut mouiller le tee-shirt. Pas de logement en dur ni d’hôtel pour la traque de poisson, c’est bivouac en carbet ! C’est à dire, hamac avec une bâche au dessus de la tête ! Immersion garantie.

Question matériel, inutile de faire dans la finesse, sous peine de casse répétée. Une tresse de 30 kg, gros bdl acier et il faut tout renforcer sur les leurres !! Tous les hameçons laissent place à des VMC Spark Point 7556 : un bon triple possédant un piquant redoutable, et surtout il est solide ! Le X-Rap Jointed Shad marche d’enfer sur ce poisson, mais mon leurre préféré est sans conteste le classique Super Shad Rap. J’ai eu l’occasion d’avoir en main le Super Shadow Rap, et c’est une véritable surprise car c’est une très bonne référence pour ce carnassier !! Son roulis lors de sa récupération est des plus attrayants.

Moulinet de taille 4000 voire 5000 pour être sûr ! La canne quant à elle doit être en mesure de sortir de force des obstacles, des boules de muscles sous stéroïdes de plus de 15kg. Ne pas hésiter à prendre du costaud. Une fois le carbet monté, c’est là que les choses intéressantes commencent ! Contre toute attente, et ce au moment de faire grincer le carbone des cannes, je tombe malade avec fièvre, vertiges, nausées et tout ce qui va bien avec ! De quoi me clouer au hamac pour un bon moment ! Quelle malchance !

Ce nonobstant, rester seul au campement me sied très bien, de quoi profiter pleinement du cadre qui m’entoure. Une forêt luxuriante, une rivière sulfureuse et d’antiques polissoirs amérindiens*, il y a pire comme compagnie non ? Posé sur un rocher, j’observe la nature le temps que mon état de santé revienne à la normale, mais peine perdue, entre les journées très chaudes et les nuits fraîches et extrêmement humides, il est difficile de se retaper rapidement dans de telles conditions. Qu’importe la fièvre, je lis et j’apprécie cet enfer vert du mieux que je peux.

*Les polissoirs amérindiens sont des entailles dans la roche qui étaient autrefois utilisées par les habitants des fleuves dans le but d’affûter différents outils et armes.

Malgré mon impossibilité de réaliser de belles et longues parties de pêche, je prends tout de même le temps et l’énergie de faire plier la canne. Histoire de toucher quelques aïmaras du bord. Comme d’habitude, la fureur de ces poissons me surprendra toujours.

Durant cette expédition j’ai également eu le plaisir de renouer contact avec un vieil adversaire ! Le Coumarou ! Il y a une divergence d’appellation sur ce poisson ; selon l’endroit, il est appelé pacou / pacoucine, ici sur le Sinnamary, tout le monde l’appelle le Coumarou/ Koumarou). Ce fameux coumarou est un cousin du piranha, dont la ressemblance est évidemment assez frappante. Sa dentition des plus étranges n’est pas sans rappeler celle des humains (mieux vaut ne pas laisser traîner un doigt par là). Son régime alimentaire est très varié, fruits à coques, végétation, petits poissons etc… Ce farouche combattant de taille modeste (4 voire 5 kg grand maxi) affectionne les eaux bien oxygénées. Il est possible de le pêcher occasionnellement aux leurres, un petit Clackin’ Rap ou encore le Rippin’Rap Rapala sont bien indiqués pour sa traque.

Néanmoins, la méthode phare pour capturer ce serrasalmidae est très primaire : un appât (morceau de lard, fruit à coque par exemple) monté sur un hameçon de belle taille sans plombée. Il faut ensuite frapper l’eau avec son appât à quelques reprises, de façon qu’un bruit bien distinct se fasse entendre (PLOC ! PLOC ! PLOC!). Puis laisser couler son appât quelques temps. Refaire cette manipulation autant de fois que nécessaire durant une dérive jusqu’à tomber sur les Coumarous. La touche est parfois discrète, parfois franche, mais après le ferrage, il faut toujours s’accrocher ! Sa défense est explosive. C’est un poisson qui déménage au bout d’une ligne !!

Le pêcheur au coup trouverait à coup sûr un paradis dans cette belle rivière qu’est le Sinnamary, nombreuses sont les espèces qui n’attendent que de mordre à la ligne. Encore une fois, même avec les petits poissons du coin (leporinus, les yayas etc) il convient de ne pas pêcher trop fin car ils ont tous de petites dents !

Tout au long de la semaine, les poissons ont répondu présent pour les autres membres de l’équipe, chaque jour a apporté son lot d’attaques et de captures ! Une plus que réussie !

Même si pour ma part, je n’ai malheureusement pas pu réellement pêcher comme il se doit, je peux quand même dire sans crainte que je me suis fait plaisir. Entre nature sauvage, un cadre hallucinant et quelques prises des plus sympathiques, j’ai réussi cette petite expédition à ma manière. Habituellement je ne suis pas content de devoir repartir de la forêt, mais exceptionnellement, affaibli par un virus ou je ne sais quoi, je peux dire que je suis heureux de retrouver un lit et des draps secs pour les nuits, la nature ne m’a pas épargnée. Autant cette nature que j’affectionne tant est sublime, autant elle peut se montrer impitoyable.

Cerise sur le gâteau, le soir même de notre retour à la civilisation, le 100ème lancement d’Ariane 5 nous a gratifié de son spectaculaire départ  (encore un rêve de gosse de réalisé ) !!! Le décollage d’un lanceur tel qu’Ariane 5 est vraiment quelque chose à vivre.

La Guyane, terre promise des aventuriers, des rêveurs, et des pêcheurs… Impitoyable mais magnifique, ce département est un véritable réservoir de rêves. Tout le monde devrait goûter à ce lieu magique où toutes les espérances sont permises !

Stéphane Kieffer

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